dimanche 22 mai 2011



Ca prouvait qu'il n'appartenait plus tellement à cette race détestable, et que, comme son ami Le Chien, il pouvait aller et venir dans les rues de la ville, fouiner dans les magasins, sans qu'on le voie. Bientôt peut-être, il pourrait lui aussi uriner tranquille sur les essieux des voitures américaines ou les panneaux d'interdiction de stationner, et faire l'amour en plein air, en pleine poussière, entre deux platanes.
Le procès verbal - Le Clézio



Rien pourtant n'était moins curieux que cette curiosité. Un grand espace de terrain vide où se trouvaient pêle-mêle, entre des tas de sable et de cailloux, quelques roues d'engrenage déjà rouillés, entourait un long bâtiment rectangulaire.
Madame Bovary - Gustave Flaubert



Ils remontèrent ensemble la grand-rue. Il était déjà tard ; le soleil baissait déjà. Ca faisait encore une journée de finie, une à ajouter à des milliers d'autres. Ils marchèrent sur le côté de la rue exposé au soleil, sans se hâter.
Le procès verbal - Le Clézio



C'est à cette époque qu'il avait eu la révélation que la plupart des gens, avec leurs coudes serrés et leurs yeux volontaires, passent leur temps à ne rien faire. A quinze ans il avait déjà su que les gens sont vagues, indélicats, et qu'en dehors des trois ou quatres fonctions génétiques qu'ils accomplissent chaque jour, ils arpentent la ville sans se douter des millions de cabanons qu'ils pourraient se faire construire dans la campagne, et y être malades ou pensifs, ou nonchalants.
Le procès verbal - Le Clézio



Une porte qui troue une large enceinte de hauts murs et derrière cette enceinte un parc, un parc sérieux avec des arbres sérieux et derrière tous ces arbres qui entrelacent leurs branchages, la silhouette d'une haute demeure, une maison de maître, une grande bâtisse compliquée.
Les âmes grises - Philippe Claudel



Ils suivirent sagement le chemin, longeant le bord de mer à une hauteur convenable, ni trop près de l'eau, ni trop sur la colline. La terre était plantée régulièrement de massifs d'aloès, pour le repos de l'oeil et du cerveau. De la même manière, la surface de la mer était décorée presque géométriquement de crêtes pointues, qui simulaient les vagues. Tout avait l'aspect conciencieux d'une étoffe en pied de poule, d'un immense jardinet construit selon les normes du plaisir chez les scarabées ou les escargots.
Le procès verbal - Le Clézio

samedi 21 mai 2011


Venant du panorama, le vent frais le couvrit des pieds à la tête, transforma sa paralysie en douleur. Il resta debout sur ses jambes, proéminent comme un phare, contemplant sa propre intelligence dans l'univers, dont il était sûr à présent d'occuper eternellement le centre, sans relâche.
Le procès verbal - Le Clézio
Il venait de se baigner, et maintenant il s'appuyait en arrière, sur les deux coudes, de façon à laisser entre son dos mouillé et le sol un léger espace d'air propice à l'évaporation. Sa peau était rouge foncé, non pas cuivrée, et cela contrastait mal avec son maillot peint en bleu vif. Vu d'assez loin, il avait l'air d'un touriste américain, mais si on l'approchait, on remarquait qu'il avait la figure sale, et une mauvaise barbe blonde massacrée à coups de ciseaux. Il portait la tête basse, contre sa poitrine, dans une pose indifférente.
Le procès verbal - Le Clézio

vendredi 20 mai 2011


Et , pieds nus, sans songer à remettre ses savates tombées, elle retourna s'accouder à la fenêtre, elle reprit son attente de la nuit, interrogeant les trottoirs au loin.
L'assomoir - Emile Zola

mardi 17 mai 2011


Des rangées de logements ont poussé dans ce qui jadis était emblavé. De pleines petites rues construites à l'identique les unes des autres. Des maisons louées pour rien, ou pour beaucoup - le silence, l'obéissance, la paix sociale -, à des ouvriers qui n'en espéraient pas tant, et à qui ça a fait tout drôle de pisser dans un water et non plus dans un trou noir percé au milieu d'une planche de sapin.
Les âmes grises - Philippe Claudel


Elle, c'était autre chose : elle venait du meilleur monde, celui de la terre aussi, mais pas celui qui la travaille, celui qui la possède depuis toujours. En dot, elle avait apporté à son mari plus de la moitié de ce qu'il possédait, et quelques bonnes manières. Puis elle s'était retirée, dans les livres et dans les ouvrages de dames.
Les âmes grises - Philippe Claudel

C'était un homme grand et sec, qui ressemblait à un oiseau froid, majestueux et lointain. Il parlait peu. Il impressionnait beaucoup. Il avait des yeux clairs qui semblaient immobiles et des lèvres minces, pas de moustache, un haut front, des cheveux gris.
Les âmes grises - Philippe Claudel